Logistique de la Formule 1 : la course hors du circuit !
On s’est tous un jour posé la question de comment font les écuries de Formule 1 pour voyager de Grand Prix en Grand Prix, partout dans le monde avec des délais relativement serrés?
La F1 est une affaire de précision. L’enjeu financier est tellement énorme qu’aucune équipe ne peut se permettre d'avoir une logistique bancale. Comme un moteur, la logistique de la Formule 1 est parfaitement huilée.
- Une véritable prouesse logistique
- Le transport lors des courses "européennes"
- La logistique de la Formule 1 lors des courses non-européennes ou “overseas”
- L’arrivée du transport maritime dans les années 2000
- Une logistique de la Formule 1 bien plus polluante que les voitures elles-mêmes
Une véritable prouesse logistique
Une saison de F1 ce sont 21 Grand Prix, 5 continents, 160 000 kms parcourus en 8 mois, 10 écuries, leurs motoristes et l’équipementier pneumatique officiel (Pirelli depuis 2010). Il y a très souvent seulement une semaine d’écart entre deux courses, imposant aux équipes d’être parfaitement organisées et à la logistique d’être sans accroc.
Des tonnes d’humains et de matériel parcourent les océans et les continents chaque année par avion, bateau et camion. En effet, une écurie transporte en moyenne 30 tonnes d’équipement par Grand Prix. Les écuries les plus fortunées comme Ferrari ou Mercedes transportent généralement plus d’équipement et de pièces détachées que les écuries aux budgets plus modestes comme Haas ou Racing Point. Red Bull par exemple peut transporter 40 à 50 tonnes de matériel sur les circuits européens.
Au delà des habitacles et du matériel lié aux voitures, les équipes doivent acheminer le matériel nécessaire pour construire leurs propres infrastructures éphémères ou motorhomes sur chaque circuit. Ces infrastructures sont les bases arrières logistiques des écuries. Elles hébergent leur garage, leurs bureaux, des salons de réception, parfois une cuisine etc…. Tout ce matériel doit être acheminé sur le lieu du circuit, déballé et installé en moins de 2 jours. Il commence à être remballé avant même la fin du Grand Prix pour ne pas perdre de temps. Les équipes chargent des palettes prioritaires qui partiront dans les premiers avions affrétés et arriveront sur le lieu du circuit suivant en premier. Ce sont généralement des pièces de rechange et du matériel non utilisés le jour du Grand Prix.
Le démontage des stands et des infrastructures dure généralement 8 heures une fois le Grand Prix terminé. Chaque pièce, chaque outil est soigneusement emballé et chargé dans des caissons selon un plan très précis élaboré par le directeur logistique de l'équipe. Tout doit être impérativement terminé le dimanche soir. Le matériel doit être arrivé sur le lieu du circuit suivant 36 heures après pour que les équipes soient opérationnelles le jeudi avant le Grand Prix. Ce timing serré doit particulièrement être respecté quand les circuits s'enchaînent sur deux week ends consécutifs. La Formule 1 c’est la course sur le circuit mais aussi hors circuit!
Le transport lors des courses "européennes"
Les équipes de Formule 1 résident quasiment toutes en Europe. Même les équipes non-européennes comme l’équipe américaine Haas F1 Team par exemple ont installé des “bases” européennes pour faciliter l’organisation lors de la tournée européenne.
Pour les courses européennes, le transport se fait généralement par camion et par bateau. Le transport par camion est bien évidemment beaucoup moins onéreux que le transport par avion et permet d’éviter les ruptures de charge entre deux circuits car c'est du porte-à-porte.
Chaque équipe utilise en moyenne 12 camions pour acheminer tout le matériel. C’est généralement à cette période que les Grand Prix s'enchaînent sur plusieurs week ends, obligeant parfois les camions à rouler sans s’arrêter, hors ravitaillement. Cela nécessite alors de faire appel à plusieurs chauffeurs pour assurer un roulement et une continuité du transport.
Les équipes à gros budget qui transportent le plus de matériel comme Mercedes par exemple utilisent parfois des trains routier pour réduire le nombre de chauffeurs nécessaires.
"Pour les circuits européens, nous avons 4 camions, l’un transporte le matériel du garage, un autre les deux voitures et le reste du matériel, et un troisième pour les pièces de rechange. Enfin le 4ème vient de Paris avec les moteurs Renault. Tout cela représente 40 à 50 tonnes, qu’il faut correctement agencer dans les containers sinon tout ne rentre pas dans les camions ! Nous avons un peu de flexibilité mais l’ordre doit au moins être respecté. Et tout cela n’inclut pas les 13 camions destinés à l’énorme motorhome de Red Bull, l’Energy Station."
Contrairement au transport aérien où c'est DHL qui s'occupe de tout, en ce qui concerne le transport routier, chaque écurie choisit contractuellement son partenaire transport.
Pour les équipes, cette période estivale est un vrai soulagement d’un point de vue organisation et logistique car le transport routier est beaucoup moins contraignant. La seule contrainte ce sont les embouteillages.
La logistique de la Formule 1 lors des courses non-européennes ou “overseas”
Les courses non-européennes nécessitent une logistique plus complexe. Malgré un espacement de 2 semaines en général lors des courses "overseas", c’est particulièrement la problématique des distances à parcourir qu’il faut adresser. Si les 2 Grands Prix s'enchaînent comme ce fut le cas en 2019 entre le Grand Prix du Bahrein et le Grand Prix de Chine, cela devient un véritable challenge pour l’organisation et les équipes. C’est pourquoi ils recourent principalement au fret aérien avec DHL, le partenaire officiel de la Formule 1.
Chaque année, la FOM (Formula One Management) affrète ainsi 6 Boeing 747 pour transporter toutes les pièces détachées (moteurs, châssis, ailes et autres équipements informatiques ou non).
Le transport aérien implique un transport des voitures en pièces détachées contrairement au transport routier qui permet de garder les voitures assemblées dans des camions spécialement aménagés. Les écuries ont créé leurs propres caissons sécurisés, mieux optimisés que les conteneurs d’avion classiques. Ces caissons de part leur taille plus restreinte qu’une remorque de camion ne permettent malheureusement pas de garder les voitures montées.
L’arrivée du transport maritime dans les années 2000
Le transport maritime est apparu en 2004 en complément du transport aérien pour des raisons économiques principalement.
Le transport maritime permet de transporter des charges plus lourdes à moindre coût. Il est notamment utilisé pour acheminer le matériel secondaire non périssable comme le mobilier, les ustensiles de cuisine, les produits de nettoyage, les outils etc.... Cependant il nécessite une meilleure organisation car il faut anticiper les besoins et les itinéraires.
Les enchaînements de courses obligent parfois à faire partir en même temps plusieurs convois dupliqués plusieurs semaines à l’avance depuis l’Europe. En 2019, par exemple, ce fut l'enchaînement Australie-Bahrein-Chine-Azerbaidjan qu’il a fallu anticiper.
“Nous avons cinq ensembles de fret maritime qui parcourent le monde. Chaque fret maritime contient 3 conteneurs avec 5 ensembles identiques.”
Ces kits sont souvent ré-acheminés dans les usines en Europe après les Grand Prix "overseas" de premier partie de saison, reconditionnés en fonction des besoins puis renvoyés sur des Grands Prix de deuxième partie de saison pour optimiser les coûts au maximum. En effet, la rationalisation des coûts est désormais une donnée de plus en plus importante dans un contexte économique pas toujours favorable depuis les années 2000.
Une logistique de la Formule 1 bien plus polluante que les voitures elles-mêmes
La FIA (Fédération Internationale de l’Automobile) et la FOM (Formula One Management) ont récemment calculé que la Formule 1 rejetait 256 551 tonnes de CO2 par an. Les moteurs des voitures ne représentent que 0,7% de ces émissions. La logistique matérielle représente quant à elle 45% des rejets de CO2. C’est pourquoi la Formule 1 a présenté en 2019 un plan pour devenir neutre en carbone d’ici 2030.
Nous nous sommes concentrés sur la logistique matérielle mais il faut ajouter à cela toute la logistique “humaine”. Même sans être fan de Formule 1, en tant que professionnel de la logistique, on ne peut qu’être impressionné par cette prouesse.